martes, 10 de abril de 2012

Boltanski et les complots


écoutez l´entretien de Luc Boltanski sur France Culture
au sujet de son oeuvre Enigmes et complots: un enquête à propos d'enquêtes (Gallimard, 2012)
http://www.franceculture.fr/emission-la-suite-dans-les-idees-enigmes-et-complots-de-luc-boltanski-ed-gallimard-2012-02-18

Pourquoi, au tournant des XIXe et XXe siècles, observe-t-on tour à tour : le développement du roman policier, dont le cœur est l’enquête, et du roman d’espionnage, qui a pour sujet le complot; l’invention, par la psychiatrie, de la paranoïa, dont l’un des symptômes principaux est la tendance à entreprendre des enquêtes interminables, prolongées jusqu’au délire ; l’orientation nouvelle de la science politique qui, se saisissant de la problématique de la paranoïa, la déplace du plan psychique sur le plan social et prend pour objet l’explication des événements historiques par les « théories du complot » ; la sociologie, enfin, qui se dote de formes spécifiques de causalité — dites sociales —, pour déterminer les entités, individuelles ou collectives, auxquelles peuvent être attribués les événements qui ponctuent la vie des personnes, celle des groupes, ou encore le cours de l’histoire ?

La raison en est la conjoncture nouvelle que créent de profonds changements dans la façon dont est instaurée la réalité sociale. C’est à l’État-nation, tel qu’il se développe à la fin du XIX° siècle, que l’on doit le projet d’organiser et d’unifier la réalité pour une population et sur un territoire. Mais ce projet, proprement démiurgique, se heurte à une pluralité d’obstacles parmi lesquels le développement du capitalisme, qui se joue des frontières nationales, occupe une place centrale.

Ainsi la figure du complot focalise des soupçons qui concernent l’exercice du pouvoir : où se trouve réellement le pouvoir et qui le détient, en réalité ? Les autorités étatiques, qui sont censées en assumer la charge, ou d’autres instances, agissant dans l’ombre, banquiers, anarchistes, sociétés secrètes, classe dominante, etc.? Ainsi s’échafaudent des ontologies politiques qui tablent sur une réalité doublement distribuée : à une réalité officielle, mais de surface et sans doute illusoire, s’oppose une réalité profonde, cachée, menaçante, officieuse, mais bien plus réelle. Roman policier et roman d’espionnage, paranoïa et sociologie — inventions à peu près concomitantes — sont solidaires d’une façon nouvelle de problématiser la réalité et de travailler les contradictions qui l’habitent.

Les aventures du conflit entre ces deux réalités — réalité de surface contre réalité réelle — constitue le fil directeur de l’ouvrage.

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